L'Ordre du mérite 2025 a été remis à titre posthume à Jacques Girard (droit 1963), président de l’Association générale des diplômés qui nous a récemment quitté. C’est le moindre des honneurs que nous puissions rendre à cet infatigable serviteur de l’Université et bâtisseur du Québec que nous connaissons.
Tout le monde l’appelait Monsieur Girard. Jacques, c’était seulement pour les intimes. Une affaire de génération ? De respect dû à l’âge ? Oui, bien sûr, mais pas seulement. Le président de l’Association générale des diplômés de l’Université de Montréal dégageait cette prestance, cette distinction, il avait cette voix posée qui immédiatement créaient un décorum. Pourtant, sa personnalité était tout sauf distante ou détachée. Toutes ses collaboratrices et collaborateurs connaissaient son sens de l’écoute. Son goût pour les traits d’esprit aussi. Et bien sûr son réservoir d’anecdotes alimentées par une carrière majuscule. Sa récente disparition laissera un vide immense. En lui remettant l’Ordre du Mérite à titre posthume, l’Université a voulu saluer la mémoire de l’un de ses plus grands serviteurs.
« Jacques suscitait à la fois l’affection et l’admiration au sein de l’Université. C’était un diplômé modèle, un bénévole, un donateur, un ami fidèle et même un guide, s'est ému le recteur Daniel Jutras. Son engagement en tant que président de l’Association générale des diplômés était profond. Il a contribué à ouvrir plusieurs instances de l’Université aux diplômés et profitait de chaque occasion pour les inviter à s'impliquer au sein de leur alma mater. Son passage à l’Université de Montréal aura été marquant de tant de façons. »
Cette marque, Jacques Girard l'aura laissée dès ses jeunes années. Né à Montréal, dans la Petite-Patrie, Jacques Girard a obtenu une licence en droit de l’UdeM en 1963. Étudiant engagé, il militait pour la laïcisation de l’Université de Montréal, alors dirigée par un recteur ecclésiastique. Dans un éditorial au vitriol qu’il publia en page 2 du Quartier latin, le journal étudiant qu’il dirigeait, il écrivait à l’adresse de la direction : « Les institutions qui résistent trop à une évolution nécessaire et commandée par le sens de l’histoire périssent et souvent dans un chaos peu désirable. (...) Celui dont la patience est exaspérée, celui dont on a brimé la liberté, celui qu’on a empêché de penser librement, ne saurait adopter à l’Université une position raisonnable. (...) Si nous crions c’est que nous n'avons jamais été écoutés lorsque nous parlions. » Sous sa plume, c’est la Révolution Tranquille qui grondait.
On ne s’étonnera donc pas de trouver parmi ses fréquentations de l’époque le cinéaste Denys Arcand, les Cyniques Marcel Saint-Germain, André Dubois et Marc Laurendeau, l’auteur-compositeur Stéphane Venne, ainsi que le futur premier ministre du Québec Bernard Landry. Autant d’acteurs de la Révolution Tranquille qui renverseront la table et contribueront bientôt, chacun à leur manière, à bâtir le Québec moderne que nous connaissons.
Jacques Girard y prendra largement sa part en devenant - après sa maîtrise de droit obtenue à la London School of Economics and Political Science - le plus jeune secrétaire général de l’Université de Montréal. Il y restera de 1969 à 1974. Désireux de se mettre au service du Québec, il a ensuite officié en tant que sous-ministre adjoint de l’enseignement supérieur, sous-ministre de l’éducation, puis PDG de la Société de radio-télévision du Québec (la future Télé-Québec). En 1988, il fait le saut dans le secteur privé en devenant éditeur du Journal de Montréal, vice-président publications et président de Groupe Québecor. C’est au rayonnement de Montréal que Jacques Girard décidera ensuite de se consacrer en créant et présidant l’organisme Finance Montréal, puis en devenant le premier PDG de Montréal International.
Renouant avec ses premières amours, ce fidèle de l’Université de Montréal la retrouvera à partir de 2015. Pendant près de 10 ans, il sera l'infatigable président de l’Association générale des diplômés de l’Université de Montréal et le vice-président du Conseil de l’Université. Deux instances qu’il contribuera à réformer en profondeur. Nécessaire, salvateur, ce travail de modernisation faisait sa fierté, lui qui n’a eu de cesse, comme simple étudiant ou en tant que dirigeant, par sa plume autant que par ses actes, de pousser inlassablement l’UdeM à changer, évoluer, s’adapter. Quelques mois avant de nous quitter, ce visionnaire a d’ailleurs fait un don de 100 000 $ à son université pour y créer le Fonds de recherche sur la désinformation et ses impacts sur la démocratie. Manière, encore une fois, d'encourager son alma mater à braver les défis de l’époque. Il paraît que l’entêtement est un vilain défaut ; mais c’est aussi la marque des grands bâtisseurs.
Décerné à une personnalité diplômée de l’UdeM, de notoriété publique, reconnue pour son excellence dans son milieu professionnel, ses réalisations et les prix reçus au fil de sa carrière.
Prix de la relève Wolf Thyma
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Prix de l’engagement bénévole Louise Roy
Prix philanthrope Jacques Courtois